Pour son premier numéro, le collectif à l’origine de la nouvelle revue de création poétique Météor s’est donné « l’espace » comme fil conducteur et « fédérateur ». Revue trimestrielle, le premier numéro a été conçu par l’équipe composée de Christophe Déperkel, Sébastien Kwiek, Antoine Maine et Ramiro Oviedo. Ils mettent à l’honneur le poète sonore Serge Pey qui, pour célébrer la naissance de cette nouvelle revue, offre un poème « miraculeux », écrit Ramiro Oviedo dans son édito. Dans « Miracle dans un bistrot », que l’on aurait envie d’entendre et de dire à haute voix, le toulousain Serge Pey, représentant de la poésie-action, s’invite à la table de jeu d’un bistrot. Espace du quotidien, de la rencontre, il se transforme en un lieu de jouissance sans limite, où le plaisir et le désir pour un corps se mêle à celui des mots. S’ensuit un extrait d’un roman inédit de Jules Evrard tissant des liens entre Serge Pey et Antonin Artaud, autre poète des corps et des sons. Ramiro Oviedo déploie ce que Serge Pey nomme lui-même sa « Peyetique », analysant la force du corps, de la langue mais aussi du pied dans l’œuvre du poète toulousain, lauréat du Prix National de poésie de la Société des Gens de Lettres et du Prix Apollinaire 2017. Dans ses textes, le corps se fait espace poétique : « C’est alors / Que le pied devient l’espace zéro de l’homme : / Il connecte nature et société / Nature et culture / Homme et histoire. » La photo de Benjamin Tesseidre, où l’on distingue Serge Pey stylo en main, coiffé de son grand chapeau noir, assis à une table de cuisine entourée de casseroles et d’une série de couteaux, accompagne avec force ces textes aussi analytiques que poétiques.
Adossé à ce bel hommage, un riche dossier de création poétique prend place. Précédés des photos en noir et blanc de Benjamin Tesseidre, les textes des nombreux poètes qui ont collaboré à ce premier numéro, trouvent des résonances dans ces images d’entre-deux, entre dehors et dedans, ombre et lumière.
Météor se déplace entre l’espace de la terre dans laquelle s’ancrent et tapent les bâtons de Serge Pey, et l’espace-temps tellurique, cosmique et parfois sidéral, qui se dessinent entre les voix des quelques seize autres poètes qui donnent corps au carnet de création poétique. Méteor laisse ainsi l’espace et le temps aux voix, aux textes, aux prises de risques, ou encore aux confrontations entre texte et image. À travers une mise en page particulièrement élégante, l’espace s’y déploie en plusieurs dimensions et parvient à rassembler des sensibilités différentes, des électrons libres que seule une revue comme Météor, fruit de rencontres et de hasard, aurait l’audace de mettre ensemble sur orbite.
Météor, Revue de création poétique, no 1, Mars 2019, prix 14 €.
Jeanne Bacharach