« Des banches. Des feuilles. Des pétioles. Des folioles. Un monde ramifié qui bouge, bruit et bondit. Un royaume de verdures, de vertiges et de vents. Un labyrinthe de souffles et de murmures. Un arbre en somme. Je suis dans un arbre. » : magnifiques premières lignes du texte de Jacques Lacarrière qui clôt le numéro 7 de Mirabilia. Mirabilia dans un arbre, parmi les arbres.
Un numéro peuplé de hauts chênes qui portent des noms comme dans la forêt de Tronçais : Ovide, D.H Lawrence, Mircea Eliade, Régis Boyer, Pierre Bergounioux qui, à la manière érudite et enracinée qui lui est si propre, rappelle les divers sens du mot liber (enfant, libre, vin…) et aussi partie vivante de l’écorce, mot qui en est venu à désigner le livre. Savants aussi mais pédagogiques, les propos de Yvan Kraepiel, spécialiste en physiologie des plantes nous introduisent à la vie des arbres, à ses multiples vibrations. On reconnaît ici, entre expertise et création, l’ondulation de Mirabilia qui fait le charme renouvelé de sa ramure…
Cyprès, pins, oliviers hantent les lettres de Van Gogh comme ils se tordent dans ses toiles. Loin de ces tourments, heureux sont les arbres d’Anne Gugliemetti, co-directrice la revue : célébration des arbres familiers, l’osier et le pommier, arbres de joie plantés au cœur de la vie, racines de la mémoire. Vincent Gilles, l’autre branche maîtresse de la revue, livre un magnifique récit en images, planches aux verts profus, profonds : un homme rejoint par un enfant – est-il l’avant de lui ?– déambule parmi les frondaisons opulentes : parc abandonné, forêt énigmatique, correspondances baudelairiennes, « deux ombres ont tout à l’heure passé »…
Autres images, des tableaux abstraits, éclatants, de riche matière, on en est presque à deviner le geste de l’artiste, à nommer les peintres : l’artiste est un photographe, Cédric Pollet, les œuvres sont des photographies d’écorce.
Foliole : un bref conte africain met en scène un arbre stérile et disgracieux qui finit par s’éveiller aux fruits. Petit apologue en forme d’éloge de la différence. Voilà qui fait du bien dans une époque de mauvaise herbe et de buissons d’épines.