Mirabilia, « Le miroir », n° 5

 

 

Le miroir… Thème multiple et polyphonique. Comment s’en emparer sans risquer de s’y perdre ? L’éditorial de ce cinquième numéro de Mirabilia le confesse : « il y a mille et une manières de saisir le miroir ».

La photographie de couverture, de petits miroirs ronds disséminés sur une veste de chasse en provenance du Mali, étonne. Étrangeté, exotisme du miroir. Thème que l’on retrouve dans plusieurs textes de ce Mirabilia, dans le magnifique extrait de Pays de neige de l’écrivain japonais Yasunari Kawabata ou dans la nouvelle de Marcel Marien ayant pour cadre une île déserte.
Le miroir est avant tout un objet pratique et décoratif du quotidien dont Vincent Guerre nous rapporte l’histoire et la diversité. Longtemps fabriqué sur l’île de Murano, à quelques encablures de Venise, cet objet, désormais accessible à tous, a perdu certaines de ses qualités esthétiques initiales. Son procédé moderne de fabrication en a fait un objet quelconque qui ne vieillit plus de la même manière que les vieux miroirs, tant convoités, de nos aïeuls.

Objet d’art et de création, « depuis son invention, les peintres ont été séduits par le miroir qui concentre la lumière, l’absorbe pour la distiller mystérieusement ou la réfracter en éclats chatoyants » nous confie Anne Guglielmetti dans son texte sur Bonnard. Cette faculté de réfracter la lumière d’une manière unique se retrouve dans les photographies de « Couple-miroirs » de Jean-Christophe Ballot en cahier central de la revue.

Objet d’étude et de recherche scientifique, le miroir a une histoire passionnante qui nous est conté par Sabine Melchior-Bonnet, auteur d’Une histoire du miroir (1998). L’historienne nous rappelle le rôle expérimental du miroir chez de nombreux artistes et savants de la Renaissance, dont Léonard de Vinci. Témoin du passage du miraculeux vers le rationnel, le miroir est alors au centre de jeux savants et de bizarreries. À la fin du vingtième siècle, la découverte de neurones-miroirs par des chercheurs de l’Université de Parme modifie notre conception de la mémoire humaine, ainsi que l’explique le médecin et professeur de physiologie Giacomo Rizzolatti.

Objet de merveilleux par excellence, le miroir est enfin un médium de la subjectivité s’y éprouvant dans l’expérience du « je est un autre ». Qui ne s’est en effet jamais demandé quel est cet individu, soi-même, qui nous regarde dans le miroir ? Qui n’a jamais fait l’expérience d’une rencontre étonnante avec un alter-ego ? Une expérience contée par Joseph Conrad dans l’extrait du Compagnon secret qui clôt ce numéro de Mirabilia.

 

Goulven Le Brech