Sur l’île de Burano (« l’humilité même ») dans les pas d’Anne Guglielmetti, à la découverte du nymphée de la Villa Livia dans l’éblouissement de Vincent Gille « incroyablement heureux », les deux éditeurs de Mirabilia nous proposent – après l’Allemagne (no 9) – pour leur numéro 10 un voyage en Italie. L’Italie à fleur de peau, sensible, envoûtante, entêtante, discrète ou méconnue : ainsi la figure de Rosa Rosà, féministe, écrivain et peintre liée au mouvement futuriste. Femme encore : Giovanna Marini musicienne et chanteuse à l’œuvre protéiforme, cueilleuse inlassable des chants et des musiques populaires, formes eux aussi de l’humilité même comme le sont autrement les fruits (la pêche de Papigno, les pommes, les poires, la griotte…) évoqués passionnément par une autre femme Isabella Della Ragione, agronome qui les préserve et les cultive. Bien loin du velouté et de la brillance des fruits, de leurs promesses, une femme toujours, visage dévasté, bouleversé : Girardot s’offrant au pire dans Rocco et ses frères. L’une des splendides photos noir et blanc qui au cœur du numéro feuillettent notre amour du cinéma italien (Taviani, Olmi, Fellini, Scola, Pasolini). Dernier quartier de cette Italie toute en contrastes : l’évocation du mouvement de l’antipsychiatrie née à Trieste au début des années 70. Remontons enfin le numéro jusqu’à son ouverture: une nouvelle loufoque de Pirandello dans laquelle un lecteur compulsif, très vieux et désormais aveugle, ne veut pas entendre que l’expérience, la « vraie vie » puissent différer de ce qui est dans le livre. Tiens, si on allait faire une escapade en Italie pour « vérifier » Mirabilia. Avec ses sourciers aussi sûrs qu’amoureux comment douter ?
Frédéric Repelli