La revue part des œuvres et les prolonge, moins par la critique que par la création, la réflexion.
Le poète tutélaire est Guillevic qui donne ce magnifique sous-titre, et que 7 auteurs font fleurir en début de revue. On le recroisera plus loin.
Le thème qui donne sa teinte à la couverture même est suffisamment polysémique pour faire se côtoyer le sport-politique et la peau noire (Melikah Abdelmoumen), un restaurant qui vous propose de dîner « Dans le noir » (Adrien Absolu), l’évocation de cet adjectif utilisé en sciences non pour décrire une réalité optique mais l’inenvisageable –la matière, l’énergie, le trou…– (Vincent Bontems), la corrida à partir de Une question noire de René Pons (Frédéric Fiolof, directeur de la publication). Et encore Tanizaki par Ryoko Sekiguchi, le déchiffrement d’un code secret, Nick Cave et ses sombres inspirations, la grotte Chauvet (Romain Verger), les chambres noires –photographie– qui introduisent Bolano, Guibert et une expédition fantôme au pôle Nord.
Une autre œuvre majeure sera Quelque chose noir de Jacques Roubaud qui « éclairera », ainsi que Guillevic, le deuil de Sabine Huyhn… Et vous croiserez encore Grisélidis Réal, de l’Oulipo (et ici « Le train traverse la nuit »).
La revue se conclut par une intervention sur les pages intitulée « On finit par un monde », de Véronique Béland, où l’impression plus ou moins dense de lignes de texte répondent à une programmation précise, en relation avec le cosmos, et produisent des pages à la beauté de palimpsestes, des plus denses aux tout juste striées, où l’on croit que l’on va pouvoir finir par lire. Pas tout à fait.
Fin, mais ce n’est pas la fin : il s’en faut encore de 6 pages terribles, que nous devons à Charles Robinson, un calendrier du 1er octobre au 31 août, égrené de façon concise, à la façon d’un Fénéon mais rien ne prête à rire – pas d’humour noir – dans cette liste de victimes (351 ? C’est le titre.), presque toutes décédées, dans toutes les formes de misère humaine, en France, constat d’échec des politiques sociales, d’autant plus terrible qu’il n’est pas complet.
« et ce n’est pas la nuit, c’est 24/24. »
Yannick Kéravec