Pan, voyage entre mots et images

“Pan”, voilà un terme bien polysémique. Signifiant “ensemble” en Grec, c’est aussi une référence au monde imaginaire de Peter Pan, dont l’univers n’est pas si enfantin qu’on pourrait le croire. C’est également un écho au dieu Pan et sa célèbre flûte. En effet, ce n’est pas anodin si Jean-Baptiste Labrune et Jérémie Fischer ont baptisé de ce nom leur revue. Tout aussi mélodieuse et ambivalente, tant dans le fond que dans la forme, la revue Pan pourrait nous faire penser à un livre illustré. Elle propose, depuis 2012, de mettre en image divers textes oniriques, ou non, harmonieusement répartis au fil des pages.

Ainsi, auteurs et artistes plasticiens dialoguent dans la sensibilité de la page, créant une partition-multiple. Un seul mot d’ordre, l’harmonie : le dessin, toujours, respecte la respiration du texte. Tous deux échangent avec élégance à travers des pratiques qui dialoguent mais ne s’assimilent pas pour autant. Co-éditée par les éditions Magnani, elle compte déjà six numéros thématiques et un hors-série. Le numéro 0, objet-pilote est celui dont la mélodie visuelle a retenu notre attention par sa dimension expérimentale.

 

Chaque livraison rassemble, autour d’un thème spécifique, plusieurs courtes nouvelles. On pourra noter que les numéros se succèdent selon un même fil conducteur. Le lien narratif qui l’interrompt avec la sortie du numéro 5, qui ne porte exceptionnellement pas le nom de la revue – en signe de rupture. Pour ce numéro spécial, c’est l’illustratrice Flore Chemin qui articule les différentes histoires en donnant la structure picturale du livre autour de laquelle les auteurs déposeront leur plume.

En annexe des six numéros de la revue, on compte un numéro hors-série unique, Bululu, qui se présente davantage sous la forme d’un livre objet. Il n’y a aucun texte dactylographié, les écritures sont manuscrites. C’est un livre sérigraphié en trois couleurs.

 

Pan no 1

 

Le tout premier numéro de la revue comprend donc six textes illustrés. Les contributeurs écrivain ainsi qu’illustrateurs sont différent.es, ce qui permet une grande richesse dans l’interprétation des textes. Ainsi, on retrouvera des gravures, gouaches, collages ou encore crayonnés, tous là qui donnent vie aux textes qui les accompagnent. La diversité des textes frappe. Poèmes, textes théâtraux, histoires dignes de romans… Le lecteur du numéro 0 sera surpris par tant de diversité, autant dans les visuels que dans les textes.

 

Si l’on veut cependant trouver un point commun parmi tous ces éléments, nous pourrions parler de l’aspect surréel des textes et des illustrations. Le lecteur est emporté dans une série d’histoires oniriques surprenantes. L’une d’entre elles nous a interpellés : « Jambe rouge, quête de tête. Abandonner la moustache congénitale, les cheveux longs, l’obsolète chapeau. La diagonale des transparents populaires, hérédité ras-de-cou à perdre pied, couperet (chimérique des non-dupes).” Il s’agit d’un texte d’Anne-Sophie Plaisant, illustré par Yann Kebbi de manière tout aussi joliment subjective.

 

Il n’est pas possible d’attribuer un genre à cette revue. Pan, ce n’est pas un roman illustré, pas un poème, ni une pièce. C’est un espace d’expression pour écrivain.e.s et artistes visuels, ou chacun.e est libre d’apporter sa vision à l’autre. C’est un lieu de rencontre entre les mots, et les images. C’est un dialogue habilement articulé.

 

Le ton de cette revue est donné par sa couverture, au design minimaliste et aux couleurs vives. En discutant avec les éditeurs, nous avons appris que la méthode de création varie considérablement : la priorité peut être donnée au texte, qui sera illustré par une libre interprétation plastique, ou inversement. Il y a donc une approche différente en fonction des récits. D’un côté, les textes sont courts et proposent des histoires poétiques et légères. De l’autre, les illustrations, colorées, aux formes et styles propres de l’auteur.trice. Tout ceci apporte au Pan une dynamique pleine de vie.

 

Jean-Baptiste Labrune et Jérémie Fischer choisissent les auteurs et illustrateurs de la revue selon les rencontres, ou bien en fonction de la tonalité de leurs projets. D’ailleurs, quelques illustrateurs.trices sorti.e.s d’Estienne ont pu avoir la chance de collaborer avec eux pour ce projet.

 

Nous nous sommes laissés emporter par ce voyage onirique, dénué de toute barrière conventionnelle. À vous de vous perdre à votre guise dans cette revue au double-langage qui ne cessera de s’exprimer dans des numéros à venir.

 

Margaux Dizard

Morgan Gomez

Romane Cède

Beryl Chalet

Étudiants à l’École Estienne, en visite au 29e Salon de la revue, octobre 2019.

Un ensemble de comptes rendus, sous la direction de leur enseignant, Jérôme Duwa, en écho à Partir en Livre 2020.