Imprévisibilité et diversité continuent de présider au sommaire de ce troisième numéro de Patchwork (il y a eu un n°0 en juin 2013). Le premier texte est un court essai de Kenneth White sur le philosophe italien Gioacomo Leopardi (1796-1837), auteur du Zibaldone, « journal intime de l’esprit et de la conscience où tout s’entasse pêle-mêle » (White). En le situant au-dessus des contingences sociales et culturelles de son époque, l’écrivain écossais replace son condisciple « ultra-philosophe » italien dans un contexte plus large ; le grand champ de la géopoétique whitienne. Le texte de Jacques Henric qui succède est lui aussi consacré à un homme dont l’œuvre excède les limites étroites d’un champ et d’une discipline. Ethnologue et écrivain du soi et de l’ailleurs, Michel Leiris, d’après Henric, n’a pas su imposer une image forte de lui-même comme le firent Breton, Bataille, Céline ou Aragon. Des grands écrivains français du siècle passé, Leiris aurait laissé une voix plutôt qu’une gueule et une attitude. Sur le ton de la confession et presque du repentir, Jacques Henric nous explique en détail les raisons de son admiration tardive pour l’auteur de l’Afrique fantôme… Arthur Bertrand nous entraine ensuite dans un charmant récit, une épopée exotique dans un hôtel parisien : L’Eldorado, sis au 18 rue des Dames, Paris 17. S’en suivent deux imprévisibles essais, l’un sur la médecine narrative (Daniel Sibony) et l’autre sur la sonorité des couleurs (Jacques Sémelin) et un intermède poétique sous les plumes de Nathalie Riera et Iskandar Habache. De retour à l’essai, Gérard Larnac nous présente le parcours de Dave Von Ronk, figure emblématique du mouvement de la musique folk, né aux Etats-Unis dans les années 60 et remis au goût du jour par les frères Cohen dans leur film Inside Llewelyn Davys (2013). Ce Patchwork propose enfin d’oniriques et drolatiques histoires kafkaïennes, signées Thomas Baumgartner et Maxime Caron, ainsi qu’une archive sur Robbe-Grillet et Perec à Apostrophes, par Valérie Mréjen. Ce sympathique ensemble hétéroclite, version moderne des « miscellanées », se clôt par des méditations de Jean-Jacques Nuel et du rédacteur de Patchwork, Anthony Dufraisse.
Goulven Le Brech