Soixante-quatorze ans cette année, une bibliographie ô combien foisonnante, André Velter est l’invité du dernier Phœnix, revue qui change sa périodicité, notons-le d’emblée, passant à trois numéros par an contre quatre jusqu’à présent.
Si le rythme ralentit, la voilure, elle, n’est pas réduite, au contraire : en compensation, la pagination augmente, forte d’une nouvelle rubrique de vingt pages sous le titre « Brûlures d’actualité » et sous la direction de l’historien Olivier Bourra. Pour son inauguration, il y est question de Marseille. À partir du récent drame de la rue d’Aubagne, la question de l’habitat insalubre rouvre de plus larges et anciennes problématiques sur l’urbanisme et les enjeux sociaux au cœur (et en sa périphérie) de la cité phocéenne…
Mais revenons à la poésie et à André Velter. Le numéro s’ouvre sur un entretien mené par le rédacteur en chef André Ughetto (peiné de la disparition coup sur coup en fin d’année dernière et d’Yves Brossard et de Jacques Lovichi, tous deux de la génération 1937 et tous deux piliers de la revue) : « La poésie n’est pas pour moi un objet d’agrément, une coquetterie, une lubie de poète, et surtout pas un ‘bibelot sonore’. C’est une parole qui engage l’être tout entier, qui est affaire d’éthique autant que d’esthétique, d’alchimie verbale autant que d’harmonie tonale », déclare, en guise de confession de foi, celui qui aura été vingt ans durant la cheville ouvrière de la collection de poche Poésie/Gallimard. Suivent des contributions de François Cheng (qui voit en Velter une figure fraternelle et « à dimension universelle »), de Richard Blin (qui insiste sur le nomadisme intermittent d’une vie et par ricochet d’une œuvre, peignant Velter en « sauteur de frontières, fils du vent, citoyen de l’ailleurs », célébrant « une poésie à vivre, au parlé clair, au souffle puissant, constamment capable de changer d’allure et d’allant »), de Lionel Mazari, Hermine Pélissié du Rausas, Sophie Nauleau, Jean-Baptiste Para ou encore Serge Pey (auquel Phœnix no 29 était consacré, rappelons-le), ce dernier considérant qu’André Velter « appartient à la constellation de la poésie amoureuse ». Après que les uns et les autres l’ont salué, Velter reprend la parole, si on peut dire, avec une quinzaine de poèmes inédits qui viennent clore ce beau dossier.
Dans l’un d’eux, intitulé ‘Lexique’, on peut lire ceci :
« Je crois au banquet céleste
Où même les esprits et les étoiles
Sont invités à boire »
Des lignes qui nous inspirent celles-là, en écho, certes moins brillantes mais pas moins ferventes : à lire cette nouvelle livraison de Phœnix, nous croyons, nous, au banquet terrestre où ensemble amis et admirateurs sont invités à boire au nom du poète. Alors trinquons !
Anthony Dufraisse