Intrigante et généreuse : impressions premières laissées par la jeune revue Pojar née sur la toile en octobre 2020. Intrigante car elle fait un choix peu commun d’occuper tout le centre de l’écran par la liste des membres de la rédaction, son protocole éditorial et son sommaire détaillé – un paratexte fort riche qu’aèrent quelques œuvres (vidéos et graphiques) ; la colonne à gauche de l’écran offre tous les liens actifs qui permettent d’accéder aux contenus – le pluriel n’est pas de trop – de cette nouvelle revue internationale d’art et de littérature. Quant à son titre mystérieux, Pojar, il signifie Feu en russe, Пожар. Tropisme russe qui ne saurait réduire le projet d’une revue qui se déploie tous azimuts puisqu’on peut y lire du persan, de l’anglo-saxon, de l’hispano américain, de l’arabe, sans oublier du français bien sûr. Elle étonne car si pour certaines poésies, elle accompagne la langue originale d’une version traduite, l’anglo-saxon échappe à la règle s’offrant dans sa langue native. Quant au russe, ce n’est parfois que l’anglais qui l’accueille. Et c’est également en anglais qu’on pourra se frotter au persan…Pojar a donc le goût des langues, elle a aussi celui des temps publiant aussi bien des poètes d’aujourd’hui que des auteurs classiques.
Généreuse, disions-nous, qu’on en juge par tous les artistes composant ce premier sommaire : J.I Abbot, Abu Nuwas, Abu Tayyeb al Mutanabbi, Thaïs Andréani Pertica, Sophie Aron, Samantha Barendson, Mimi Bordeaux, Mickael Berdugo, Victor de Bernis, Léa Bourdon, Sonia Burel, Jacques Cauda, Julien Columeau, Sandrine Davin, Marielle Hubert, Ernest de Jouy, Sébastien de Monbrison, Ivan de Monbrison, Marie du Crest, Françoise Echiffre, Clarisse Gorokhoff, Colinne Grignac, Louis Haëntjens, Colin James, Sacha Jarachewski, Irina Kaplin, Elisaveta Kiseleva, Lionel Laboudigue, Lili plasticienne, Vladimir Maiakowski, Ossip Mandelstam, Jean-Jacques Marimbert, Fereydoun Moshiri, Boris Poplavsky, Gordon Purkis, Cati Roman, Nicolas Rouzet, Opale Taziri, Julie Vignal.
Poétique de la liste dans laquelle peu de noms – quelques classiques russes bien sûr – pour attiser notre mémoire : Pojar emprunte des chemins encore peu fréquentés et nous offre ainsi, c’est l’une de ses vertus, bien des occasions de découverte…La poésie irrigue son territoire mais n’est pas la seule alluvion qui le féconde : le cinéma (avec déjà un hommage paradoxal à Sean Connery/James Bond libérateur des femmes…), les arts – photographies, arts plastiques (leur très riche section) et vidéos parfois mixés de récits ou poèmes en même temps que des textes poétiques eux-mêmes savent se doubler d’images.
Ainsi, c’est à tout un monde de créations que Pojar nous invite, foisonnant, curieux de tout, mû par quelque mystérieuse nécessité, peut-être celle si simple et belle que de s’ouvrir à la plus grande diversité des formes, des œuvres qu’elle se dit prête, dans l’appel « en continu » qu’elle lance, à accueillir avec « bienveillance ». Un feu mais des foyers multiples; Пожар qu’il faudrait lire au pluriel.
« Je n’ai rien dormi » : pour finir juste ce vers de Samantha Barendson et se laisser embarquer dans le train affrété par cette revue aventureuse et peu commune…
Vincent Dunois