Trois revues nous sont arrivées ces dernières semaines qui se répondent, résonnent, en partant du local (Le Citron, 15 x 21 cm, 52 pages couverture comprise), puis le paysage particulier de La montagne (Nunatak, 17 x 24 cm, 64 p.), et enfin Aman Iwan (18,5 x 26,5 cm, 248 p.) qui envisage le monde à travers les savoirs locaux, sur tous les continents. Lisez plutôt.
Le Citron, la revue qui voit du pays et des paysans, est faite depuis Sainte-Colombe-en-Bruilhois par une équipe d’agricultrices, illustratrice, photographe, ostéopathe-conteuse et un reporter de territoire. Attachés à la ruralité, ils en proposent leur expérience à travers rencontres, reportages, textes de création sans prétendre épuiser les sujets. C’est une proposition de partage, de témoignage depuis le Lot-et-Garonne. Ce numéro 4 s’attache à raconter en trois rendez-vous une ferme particulière et les femmes et les hommes qui la font exister. Au gré des pages sont exposés l’histoire (depuis la toponymie, la description des lieux, le concret et les imaginaires qui les traversent, des origines espagnoles, une immigration vers les mines avant de trouver une terre d’attache), la place importante des femmes à travers les portraits de trois générations aujourd’hui, les choix de production (où une femme est déterminante : il s’agit aussi de nourrir ses enfants), des pages techniques illustrées. Des rubriques nouvelles permettent l’échappée, la comparaison avec des pratiques lointaines, points d’histoire (« le fermage »), voyage au Népal… pour mieux revenir à cette ferme attachante.
Nunatak avait déjà été décrite (ici). Ce numéro 3 poursuit la présentation d’un territoire particulier : celui de la Montagne. Loin de la carte postale (même si la beauté est présente, la grandeur…), c’est la montagne comme cadre particulier jusqu’à l’extrême parfois, des conditions de vie des hommes et des relations qui se nouent avec une terre, fut-elle rude voire hostile. Publication italo-française, Nunatak propose des articles où l’histoire domine (l’importance du contrebandier dans les échanges ; grands chantiers montagnards ; le Larzac et les luttes) mais aussi nombre de témoignages, d’entretiens (une habitante, récemment installée dans un village – un trou paumé ? ; un agriculteur contre les normes et son témoignage des réactions administratives), de portraits (de passeurs : un renversement de paradigme).
Et c’est un entretien qui ouvre ce Nunatak : la revue est engagée, du côté des anti-ordre établi, dès lors qu’il contraint et menace la vie même. La revue se radicalise mais au vu des situations dramatiques vécues par les « passants », les rappels et descriptions disent toujours que la solidarité doit primer dès lors que des hommes ont a vivre ou simplement traverser ces paysages particuliers que sont les montagnes.
Aman Iwan vous propose le monde entier. Elle poursuit au gré de ses voyages, ses études et ses ateliers, chantiers, l’observation des modes d’être au monde, d’habiter dans tous les sens du terme (vivre, travailler, produire, fabriquer…) dans l’urgence du recueil des traditions avant qu’elles ne soient effacées des paysages par les techniques mondialisées.
Ce deuxième numéro (qu’il fut long à advenir) nous emmène au fil de l’eau, dans des explorations lointaines ou proches, en bord de mer (Goa) ou sous les pieds franciliens, Valparaiso ou Bamako, le lac Nokoué, en Afrique… Ses animateurs sont toujours attentifs aux tenants et aboutissants, aux ressources locales (y compris les savoir-faire) et aux besoins, mais dans une observation critique cherchant a évaluer la justesse des dispositifs, rejoignant la création des habitats, donc du paysage, la constitution aussi de la beauté du monde.
Trois revues, trois échelles qui nous proposent des manières, et de bonnes manières d’être au monde.
De quoi bien commencer l’année !
Yannick Kéravec