Septième livraison, avec la lettre G comme Gens du voyage : à propos du n° 67 de la revue Études tsiganes, septembre 2020, « La santé des gens du voyage ».
Créée en 1955, la revue Études tsiganes est la seule publication de langue française consacrée aux « gens du voyage » : gitans, manouches, roms, sinti, tsiganes. Aux confluences de la recherche et du travail social, elle vise à fournir des informations et des analyses rigoureuses et documentées sur ces citoyens souvent oubliés, ignorés ou méconnus. La revue est un outil au service des chercheurs, des acteurs sociaux et d’un public de « citoyens curieux et engagés ». Au départ modeste bulletin, la publication s’étoffe à partir de 1993, devient semestrielle et propose des dossiers thématiques. La revue est publiée par la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (FNASAT-Gens du voyage). Au cœur de l’actualité, cette soixante-septième livraison propose de faire le point sur la question de la santé des gens du voyage.
Le numéro s’ouvre par un article de Jérôme Weinhard retraçant les grandes étapes des politiques publiques en matière de santé pour les gens du voyage, de la fin du XIXe siècle à aujourd’hui. Ces politiques visaient tantôt à les exclure, à mieux les contrôler ou, plus récemment, leur assurer de meilleures conditions de vie. Cette mise en perspective permet de situer historiquement les choses et de mesurer le chemin parcouru – et celui qui reste à parcourir.
Le dossier s’organise ensuite en trois parties. La première fait un point général sur quelques « déterminants de santé » et la prise en charge médicale des gens du voyage. Les conditions et le cadre de vie sont au centre des questions de santé, comme le montrent Stéphanie Vandentorren et Camille Roingeard dans leur article sur les « effets de santé des déterminants environnementaux ». Les populations sont particulièrement exposées aux polluants environnementaux – l’accident de l’usine Lubrizol à Rouen l’a récemment montré. L’importance des cas de saturnisme, la question de l’emplacement des aires d’accueil marquent une rupture d’égalité et la persistance d’une injustice environnementale. La seconde partie du dossier donne la parole au collectif des femmes de l’aire d’accueil d’Hellemes-Ronchin dans la métropole lilloise [1]. La question des démarches pour accéder à la santé termine enfin ce dossier, revenant en particulier sur les parcours de soin chez les gens du voyage ou de la co-élaboration d’un guide du voyageur et du soignant permettant une meilleure entente entre le monde de la santé et celui du voyage.
En pleine période d’état d’urgence sanitaire, la lecture de l’article de Bernard Pluchon sur la place des gens du voyage dans la crise sanitaire au travers de la presse paraît particulièrement important. Il y a un siècle, les « bandes roulottières » de « romanichels » étaient accusées de faire circuler les épidémies. Bien qu’il reste d’immenses inégalités, de très grands progrès ont été accomplis depuis – et en particulier depuis la loi Besson de 1990. La crise sanitaire a durement frappé les gens du voyage, fragilisant leur situation et aggravant leur marginalisation. L’étude menée à partir de quarante sources différentes montre le peu d’intérêt porté par les médias à cette situation très difficile, elle montre aussi que la méfiance et le rejet ne sont jamais loin de revenir. Alors que l’ensemble de la collectivité vit sous la pression de l’urgence sanitaire, il est essentiel de ne pas oublier les gens du voyage. La revue Études tsiganes nous le rappelle avec clarté, sobriété et efficacité.
François Bordes
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[1]. On pourra découvrir la lutte de ce collectif dans le documentaire « Nos poumons c’est du béton » ici : https://www.youtube.com/watch?v=uVvTxtEwfco