REVU n° 8 : culture de la bouture

 

C’est Frédéric Beigbeder qui disait ça il y a quelques années : « Le snobisme peut être attribué à une tête à claques, mais également à quelqu’un de curieux qui aimera des choses que la masse rejette. » Pas faux ce que dit là le Frédo, et cela pourrait s’appliquer, façon blason ou devise, à l’autoproclamée « snob et élitiste » revue de poésie REVU, qui nous revient avec un 8e numéro où l’image trouve plus que jamais sa place, donnant un prolongement graphique aux textes ou faisant, entre eux, office de respiration.

 

Les quelque 110 pages de cette livraison, qui bine son jardin collectif à partir de la  notion de bouture, s’ouvrent sur un poème à tire d’ailes (moineaux, mésanges et sittelles…) et s’achève sur un entretien avec la poétesse Souad Labbize, qui traduit dans la foulée l’également poétesse, et nouvelliste, Sheikha Halawy, laquelle écrit sur « les questions d’identité féministe et la tension entre l’enfance bédouine (elle a grandi dans un bidonville bédouin au nord de la Palestine), la jeunesse et la maturité politique d’une Palestinienne en Israël, les rapports mère-fille ».

 

Au fil des sections – Poèmes en archipel, Relâche… –, Camille Ruiz, en selle, nous emmène en terre nordique ; Thomas Creusot, adepte de la truelle, nous parle enduits, chaux et crépi ; Michel Meyer, dans un exercice inattendu et désopilant, nous livre une « grammaire randomisée pour attraper les mouches avec les cils » ;  Camille Sova, Martin Payette ou encore Frédéric Bach jouent, eux, avec l’espace de la page et la typographie, leurs poèmes tirant respectivement du côté du collage, du calligramme ou du dazibao…

 

Pierre Vinclair

Mais REVU c’est aussi un dossier, qui met présentement en miroir conscience écologique et expérience poétique. De quelle nature est la poésie qui se soucie de la nature, telle est, au fond, la question qui se pose ici et à laquelle répondent, chacun à sa façon – sérieuse, sinueuse ou sirupeuse –, et par ordre d’apparition, Pierre Vinclair, Lucien Suel, Julia Lepère, Martin Wable, Richard Rognet ainsi que Florian Crouzevier. Ce dernier, dans un texte sur le projet de Simon Delétang, comédien et directeur d’un théâtre en Moselle ayant entrepris une randonnée poétique ponctuée de représentations de Lenz dans les villages traversées, écrit ceci : « Il a su combiner l’isolement, les vertus méditatives du retour à soi véhiculées par la marche et l’ouverture afin d’être le plus proche possible d’une œuvre et d’un territoire ». Snobisme que d’arpenter, bien chaussé, les sentiers des forêts vosgiennes en déclamant du Büchner ?

 

Anthony Dufraisse