Sabir no 4 : Et toujours en été

 

La revue constituait le cœur de la 13e périphérie du Marché de la poésie, à la Maison de la poésie de Nantes : c’était le 1er juin 2022. Paru en avril, nous vous proposons une révision, bel exercice pour la rentrée.

 

Sabir est élaborée en Belgique. « Collection d’objets littéraires » annuelle, entre revue et livre, elle opte pour une couleur franche et un motif graphique simple qui va accompagner les textes. Une thématique se dévoile dans l’édito : dans l’ordre ce furent l’autocensure, l’accent, En nombre.s. C’est l’amour qui mêne la danse de ce quatrième numéro. « l’amour », ou les « histoires d’amour ». Cette thématique ne s’affiche pas en gras en couverture, laisse place aux digressions, aux interprétations, comme en témoigne d’ailleurs l’ »édito », plutôt collage des réflexions, des discussions des quatre hôtesses de Sabir, Pauline Allié, Eva Anna Maréchal, Lucie Guien et Maud Marique.

 

Nous sommes accueillis par Lucie Taïeb, raccompagnés par Liliane Giraudon et croiserons quatorze textes, quatorze stations/propositions/variations soigneusement mis en pages (et cela peut différer radicalement d’un texte l’autre selon sa nature, sa densité, son rythme propre), dans une maquette aérée offrant des p(l)ages de respiration.

 

Et vraiment les propositions sont surprenantes, sans hors sujet (ce n’est pas un sujet, plutôt un cadre proposé) mais bien des beautés, des surprises, états de lieux (« Chambres » de Pauline Allié), états des corps (« Greg, l’insecte » de Amélie Derlon Cordina), états du corps (« Le cas des baies rouges » de Letty Bidivanu & Harpo Guit, « Remettre » de Antoine Boute), états des genres (« Une histoire qui circule » de Hortense Raynal), états du poème (« Histoire de vol » de Lenaïg Cariou, « Patte blanche dans ta main » de Eva Mancuso), états de l’amour même (« Ces choses-là » de Louise Chennevière, « Aamourocéan » de Eva Anna Maréchal )… L’amour dans bien des états, les écritures sous bien des formes (et le théâtre, et la citation, la recension…).

 

Mais alors, Lucie Taïeb s’autocensure-t-elle, laissant des blancs là où devraient se lire du charnel, du sexuel, en acte, en membre, organe, dans ce texte où il est un acte (faire l’amour) atteignant les sommets de l’être au point de faire vaciller la certitude du monde jusqu’à la « Petite hérésie » ?

 

Et puis, révisions (c’est la rentrée !) : les adverbes pour cette autre forme, la litanie, la liste, un hommage à Jean-Jacques Vitton, mort en mars 2021. « TU ME MANQUES » se complète de ces mots déconsidérés parfois mais qui dans leur biais propre, leur sens complétant le verbe au passif (contrairement au « miss you » anglo-saxon) et dans leur succession nombreuse, nuage de mots, vont essayer un épuisement, un cernement, une contention de la douleur par dizaines de mots ensuivis pour se clore (fin de la liste ? limite de la page ?) par « définitivement TU ME MANQUES » Un dispositif simple pour deux pages poignantes qui referment ce beau numéro.

 

Yannick Kéravec