« Et vous aussi vous êtes amateur ? » Cette appellation peut s’entendre en plusieurs sens et même en des sens tout à fait divergents. Par exemple, Bouvard et Pécuchet, copistes professionnels à la retraite, s’entichent d’agriculture ou de faïences. En ce cas, on le sait, l’amateurisme confine à la bêtise. Cependant, aujourd’hui, n’y a-t-il pas à écrire pour l’amateur ? Sa posture permet d’échapper à la division contraignante des spécialités et d’interroger, notamment avec Beuys, ce que signifie le statut d’artiste. Après tout, les avant-gardes historiques ont révoqué en doute la légitimité de l’artiste reconnu par les institutions en place pour promouvoir une égalité nouvelle devant l’art : la poésie sera faite par tous et non par un. Mais en dehors de l’horizon utopique des avant-gardes, que peut signifier aujourd’hui la revendication de l’amateurisme ? Parler d’« artiste contre-bourgeois » avec Roland Barthes fait désormais sourire. Sans être un dandy façon Des Esseintes, l’amateur demeure sans doute cette figure de la disponibilité du désir : celui qui aime sans jamais se forcer, qui aime encore et toujours. Contrairement au savant qui peut voir son désir s’émousser dans des stratégies étrangères à sa passion initiale, l’amateur s’entête dans une belle candeur désintéressée. Mêlant textes de référence, réflexions et un riche entretien avec Gwenaël Morin du Théâtre permanent, cette nouvelle formule de Specimen s’emploie à construire avec ses impasses et ses contradictions une figure de l’amateur.
Le numéro s’achève sur une large présentation des travaux de l’artiste américain Daniel Hojnacki, actif à Chicago, qui entend inscrire son œuvre faite de couches multiples, de photographies et d’impressions numériques, dans l’histoire du collage.
Jérôme Duwa