Deux poètes qui sont aussi traducteurs se livrent à un exercice de traduction croisée dans la rubrique « Seuils poétiques » de la Revue italienne d’études françaises, n° 10, « La vérité et ses ruses » . Stéphane Bouquet qui traduit plutôt de l’anglais offre 2 poèmes inédits de l’Italien Andrea Inglese et Andrea Inglese traducteur du français exerce ses talents sur 2 poèmes de Stéphane Bouquet extrait du recueil Les Amours suivants. Leurs notes sur leur traduction sont autant d’approches de la langue de l’autre, la poétique qui lui est propre. Pour Andrea Inglese, plus développées, elles sont l’occasion d’une réflexion plus ample sur le métier de traduire.
Bouquet sur Inglese : « La langue d’Inglese est comme le corbeau qui essaie d’attraper un truc (au moins un truc) et lâche sans arrêt ses prises. » Manière d’écho de ce qu’Andrea Inglese dit lui-même de sa poésie, « une sorte de vocifération assourdie. »
Exemple :
« Parce qu’il ne parvient pas à les comprendre les choses
A la fin on parle du temps
C’est simple
A la fin c’est forcé
Ces choses mêmes qu’il doit dire depuis des années
Ça revient, recommence, autre chose arrive, disparait
Depuis qu’il est né mutique »
Inglese à propos de la traduction : « La traduction n’est donc qu’une forme ralentie, tâtonnante, têtue de lecture et, de ce point de vue, elle ressemble à l’activité critique. Dans les deux cas, on est confronté à un certain frottement face au texte comme si, pour bien lire, pour lire de manière approfondie, il fallait vaincre une résistance » et à propos de la poésie de Stéphane Bouquet qui paraît aussi simple qu’une collection de petits faits vrais, animés sous les rais du désir et le passage des corps, le traducteur détecte la puissance d’une langue gorgée de réminiscences.
Ainsi :
« finalmente sono riuscito a farmi indirizzare altre frasi
adesso è sufficiente sotterrarle
qui come fanno certi animali
per premunirsi contro le carestie per es. lui
che ho appena succhiato di nuovo lo infilo
all’istante nel congelatore omerico
ma tu che un attimo fa eri nient’altro che un sesso coperto di lordura
e adesso assomigli
agli dei sovrani nei campi del cielo »
Les 4 poèmes sont donnés dans les 2 langues…Et on pourra redoubler le plaisir du jeu, on découvrant les traductions réciproques de JeanCharles Vegliante et Chetro De Carolis.
Référence électronique :
Stéphane Bouquet et Andrea Inglese, « Traduction réciproque : Stéphane Bouquet & Andrea Inglese »,
Revue italienne d’études françaises [En ligne], 10 | 2020, mis en ligne le 10 novembre 2020, consulté le 12 novembre 2020.
URL : http://journals.openedition.org/rief/5422
Marc Norget