La maîtrise de l’aquarelle n’est pas donnée à tout le monde. Mais qu’est-il passé par la tête de Papier Machine ? De son papier tout détrempé s’échappent volutes et coulures, diaprures et niellures qui déparent lettrines et titres.
Quant au titre ! De donner carte blanche aux jeunes talents peut conduire à des catastrophes. Ce ne peut être que le fait d’un stagiaire : ici, le thème « Tourniquet »est si grandement annoncé qu’il ne reste que les malheureuses « NIQUE » en couverture. Des esprits mal tournés penseraient…
Mais ne pensons plus, lisons. Essayons de nous y retrouver malgré la carte absconse qui vous accueille avant le sommaire où chaque texte, chaque entrée est sous-titrée de façon tout aussi déroutante. ‘tention les gars, les filles ! D’aucuns pourraient tourner en rond. Notez que se perdre dans cette revue est un plaisir désorientant tant les textes portent en eux d’invention, de générosité, de jeu aussi, d’humour et de gravité. Des clarines de Fañch Thoraval, rumination bernhardienne que l’on retrouve trois fois, d’ailleurs qui fait penser à la contribution de Valentine Bonomo herself et Jean-Pierre Flahaux, « Parfois les génisses deviennent folles et foncent dans les clôtures » qui explique où sont passés les petits chemins ; des clôtures aux réfugiés, demandeur d’asile qui cotoîe, c’est malin, la rubrique « Métêque » (c’est Hanno Falkenberg cette fois-ci)… Manuel de survie entre supermarché et hippodrome, carte du tendre piranésienne (Martin Viot), précis poétique de géographie : c’est tout cela à la fois. Près de quarante stations d’intelligence et de beauté.
J’en signale une troublante. La page 56.
Et non moins troublant, page 82, non pas parce que c’est signé de Frédéric Fiolof qui débarqua du Labrador (ce que passe largement sous silence sa notice) à Ent’revues lesté de la Moitié du fourbi, mais parce que F.F. signe « Manège de l’ange », chronique musicale et nostalgique. Vraiment ? Je cherche l’achevé d’imprimer, impossible à trouver (‘tention les gars, les filles !). Ce texte est sous titré… « Une mort de Johnny » ! Bon, le sous-titre exact est « Une mort de Johnny Ace », mais quand même ! Et Johnny avait des origines belges, non ? Et Papier Machine… Soudain, j’ai peur.
Je vous laisse, je retourne lire Thomas Bernhard !
Yannick Kéravec