Voilà une parution qui réconcilie l’auteur de ces lignes avec ses lointains et ennuyeux cours de sciences et vie de la terre à la fac ! Ainsi sont les passionnés : ils ne ménagent pas leurs efforts et ne comptent pas leur temps pour partager leur passion, pour la rendre aux uns et aux autres communicative. Seul à la tête de Kipuka, Jean-Marie Prival ne chôme pas en effet pour nous parler des volcans dans une publication trimestrielle qui tient d’ailleurs plus du magazine que de la revue. Avec déjà deux numéros au compteur et bientôt un troisième, elle aurait très bien pu s’intituler autrement : dagala, par exemple, ou encore steptoe, car ces deux termes-là, l’un italien, l’autre américain, désignent la même chose que le mot hawaïen kipuka (à prononcer ki-pou-ka) : des parcelles, des îlots de verdure qui subsistent au sein des coulées de lave minéralisées et font, vues de loin, de superbes tâches vertes…
Au four et au moulin (de la maquette à la rédaction des textes), Prival se fait habile vulgarisateur scientifique, couvrant l’actualité la plus éruptive sous toutes les latitudes car il y a nombre de volcans en activité aux quatre coins du monde. Si la volcanologie pure et dure (lui-même est docteur es en la matière) occupe l’essentiel de ces pages que même le béotien, pourvu qu’il soit simplement curieux, comprendra parfaitement, d’autres angles éditoriaux permettent d’aborder le volcanisme – de l’archéologie à la botanique en passant par l’histoire (les Vikings en Islande, les missionnaires espagnols au Mexique), la zoologie voire… la cuisine ! Dans le n° 2 il est par exemple question de l’utilisation de la chaleur des sources géothermales dans certaines cultures locales – au Japon ou chez les Maoris notamment.
On signalera aussi la rubrique artistique à travers laquelle volcanisme et représentations picturales commentées font bon ménage. Dans sa première livraison, Kipuka se penche ainsi sur Frederic Edwin Church (1826-1900) qui a peint le volcan équatorien Cotopaxi. Le numéro suivant zoome sur un autre américain, Paul Rockwood (1895-1972) qui a conçu dans les années 30 un triptyque sublimant le mont Mazama, situé dans la chaîne dîtes des Cascades, en Oregon. Les reproductions, de qualité, des tableaux font à chaque fois leur effet… Soulignons le soin apporté à la mise en page, car contrairement à ce que son créateur laisse entendre, cette publication n’est pas si artisanale que ça. À tous points de vue elle a de la tenue, du contenu, et mérite qu’on s’y arrête, qu’on s’y attarde, qu’on s’y absorbe. « Kipuka se veut à la fois scientifiquement rigoureux et joliment illustré », nous dit-on ; eh bien, le pari est réussi.
Anthony Dufraisse