L’an passé, pour « Partir en livre« , nous avions proposé un court séjour parmi les revues destinées aux plus jeunes. Cette année nous avons souhaité prendre de la hauteur ou plutôt de la profondeur en détaillant les mystérieux ingrédients de ces « cakes d’amour » (Peau d’âne)…« Partir en livre » comme « échouer » à l’instar de Robinson sur une île qu’on croit déserte. En reconnaître la géographie, en imaginer l’histoire, en lever les imaginaires sombres et solaires, en parcourir les méandres, les surprises de ses formes, s’y effrayer et s’y lover, apprendre à nommer ses plantes, se perdre dans ses couleurs et ses odeurs. Finalement rencontrer Vendredi : c’est un livre. Et c’est ce livre que feuillettent depuis 20 ans, les Cahiers Robinson, la superbe revue menée par Françis Marcoin. 20 ans à explorer la littérature et l’édition de livres pour la jeunesse, des tout petits aux plus grands, dans ses formes canoniques comme dans ses avatars les plus contemporains. Lire et savoir ce qu’on lit: d’où sort-il cet objet qui fascine, séduit et reconduit le désir ? On part en livre certes mais justement équipé, avec un bagage bien pensé. Mais laissons place à Isabelle-Rachel Casta, conteuse savante qui sait tout des Cahiers Robinson et le confie de manière allègre et érudite : un bonheur de lecture.
JUVENILIA [1]...
« Un petit doigt d’enfant désigne et dénonce Ornicar juché sur la statue de Balzac ; cette dénonciation fait voir cette dernière provocation pour ce qu’elle est : un homme est en train de mourir à lui-même. Ornicar, celui qui nidifie dans le néant, finira gisant de pierre dans un asile ».
(Mireille Lévy, Cahiers Robinson no 20, p. 70).
Il faudra aussi appeler cette chronique : de Robinson à… Encore Robinson (puisque tel est le titre du numéro 41, paru en ce printemps 2017) ! L’un des varia du volume se consacre d’ailleurs à cet anniversaire, « Les Cahiers Robinson ont vingt ans ».
Et/mais aucune boucle ne sera bouclée, parce que la revue continuera (les deux prochains numéros sont déjà sur le tarmac, prêts au décollage), si ce n’est que ce besoin de retour, sinon de retournement, raconte aussi l’aventure des Cahiers Robinson, traversée des miroirs et des styles, litanie belle des auteurs et des images, hommage, comme l’écrit son fondateur Francis Marcoin à « l’enfance, l’ennui, le vide » (CR 4) – autrement dit les trois conditions de l’art, le moteur du départ, le goût de l’ailleurs. Contrairement, peut-être, à ce que laisserait supposer l’aura légère et enfantine du titre, le ton ne sera jamais mièvre, ni complaisant, et les éditoriaux de F. Marcoin résonnent souvent avec gravité, même si c’est une gravité humoristique, ou une drôlerie sérieuse ; dans le Cahier 29, la présentation liminaire, rédigée avec G. Tison, s’intitule « Vie et mort du roman scolaire », et le premier texte du Cahier 40 (Une radio pour la jeunesse) se nomme « Tombeau pour une radio jeune et familiale, éducative et récréative » : nous ne sommes pas chez Guyotat (Tombeau pour 500000 soldats), mais pas dans l’euphorie gentille non plus.
Au commencement était… un « simple » supplément à la revue Spirale[2] (no 19) ; ce numéro Un qui en 1997 voit le jour sous l’égide du CRELID[3] (Université d’Artois), avec pour directeur de publication Dominique-Guy Brassart[4] et pour rédacteur en chef et secrétaire de direction le tandem qui toujours restera (Francis Marcoin et Guillemette Tison), s’intitule Voyages d’enfants : contre la ligne ; les années passant, les Cahiers s’autonomiseront de toute référence à Spirale, et à raison de deux numéros par an environ éclaireront autant les écrivains que les thèmes, rapporteront autant les colloques que les réflexions distantes, s’enrichiront de varia, de notes de lecture… et s’adosseront à l’extraordinaire mutation critique qui accompagne l’expansion de la littérature de jeunesse ; c’est en effet l’Umwelt des « enfances », littéraires, dramaturgiques, filmiques… qui rallie toutes les recherches thématiques et/ou historiques, nourrissant la revue.
Uniques, pas tout à fait, mais certainement exceptionnels dans le paysage universitaire français, ces Cahiers sont aussi portés par un secrétariat de rédaction et un comité scientifique dont les membres successifs témoignent à la fois de l’exigence scientifique, de la légitimité et de la pertinence transhistorique des questions abordées (Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot, Emmanuel Fraisse et Rita Ghesquière, Dominique Rabaté et Anne Besson, Evelyne Thoizet et Michel Defourny, et… tant d’autres!) ; et parfois un signe discret rappelle qu’un ami s’en est allé (Jean Glénisson).
Alors, Robinson?
Guillemette Tison explicite le pourquoi de cette figure tutélaire, montrant qu’elle est bien le « signe indien » pour ces études : « être solitaire jeté dans les pires difficultés, mais parvenant à survivre par sa force morale » (CR 10) ; il y a aussi un peu de Rimbaud dans ces Robinsons-là – le Rimbaud d’On n’est pas sérieux et des tilleuls verts :
« Le coeur fou robinsonne à travers les romans,
– Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux col effrayant de son père…» (Roman).
Trois moments se succéderont donc dans notre « Promenade sentimentale» : nous nous abandonnerons d’abord au plaisir coupable de la déambulation titulaire et picturale, pour ensuite interroger les numéros monographiques (consacrés à un auteur, ou à un personnage, quand ce n’est pas une forme ou un support…) ; enfin nous nous intéresserons à l’exercice critique porté transversalement par l’ensemble des productions, critique vivifiante, parfois tendrement militante, exhaussant les objets de jeunesse et d’enfance à l’ob-joie de Francis Ponge.
I/ Intituler, illustrer
« Par contraste, si l’un semble bien ne pas bouger, c’est Robinson » (CR 1, p. 1)
Le titre englobant de « Cahiers Robinson » rappelle bien sûr l’inventaire d’un cartable d’écolier (ces « cahiers » qu’on imagine couverts de dessins et de mots gribouillés, classés mais un peu fouillis, s’évadant brusquement de leur éthos scolaire pour naviguer en pleine bourrasque ou explorer des terra incognita) ; il faut citer la 4eme de couverture du premier numéro, qui crânement affirme devoir se placer « sous le signe du zigzag, de l’évanouissement et de la déformation ». Ensuite (presque) chaque livraison rappellera dans sa formule titulaire ce primat de l’enfance, fil rouge parcourant les « éclats d’enfance » (CR 20), les « lisières de l’enfance » (CR 23), « l’enfance multiple » (CR 14), les « voyages d’enfants (CR 1 et3), « l’enfant des colonies » (CR 7), « l’enfant des tréteaux » (CR 8) sans oublier les « bandes d’enfants », les « enfants sauvages », les « Mille et une nuits des enfants », les « troupes d’enfants » et d’autres encore. Parfois, il est vrai, le terme plus vaste encore de jeunesse vient remplacer l’enfance des commencements : « Civiliser la jeunesse » (CR 38), « Séries et culture de jeunesse » (39) ou « L’Enigme du Mal en littérature de jeunesse » (37) englobent non seulement l’adolescence, mais aussi les « YA » , ces « jeunes adultes » dont les goûts et les postures sont aujourd’hui particulièrement scrutés. Ce léger glissement ne signifie pas un changement de paradigme, mais un élargissement bienvenu aux transgénéricités contemporaines.
Les couvertures, à elles seules, jalonnent le temps qui passe, et emmènent du carton monochrome des débuts, à l’illustration en médaillon étroit et centré, vers l’éclat brillant des photos d’aujourd’hui, pleine page parfois, où il est plaisant de croiser un Mickey aux couleurs pétantes, un mélancolique Prévert en collage rutilant, une mosaïque de couvertures des premiers « Poche » ou de jeunes héros sériels plutôt délurés – quand ce n’est pas la noirceur prenante du regard des enfants du Village des Damnés ; mais l’adolescente aux longues tresses brunes, dessinée par George Lemoine et surgissant avec douceur sur la couverture du CR 23 consacré à le Clézio, a un magnétisme et une séduction si étranges qu’ils arrêtent tous les yeux ; quant aux « anciennes » couvertures, elles permettent de revoir le beau visage d’Andrée Chedid, par exemple, qui lunettes en main se penche vers nous en souriant (CR 14)… tandis que chien, chat et petite fille espiègle ouvrent en couleurs et en fanfare le CR 34, consacré aux « Présence animales » ; Florence Gaiotti, responsable de ce numéro, incite précisément à accepter ces images, ces enfants, ces animaux avec intensité et modestie : « Essayons plutôt de les entendre nous regarder dans leur langage poétique, ou du plus profond de leur silence » (p. 10).
II/ Thématiser
« La fraternité, la vraie fraternité, est dans le combat » (F. Demougin, CR 22, p. 102)
D’assez nombreuses livraisons concernent donc des auteurs, identifiés comme « écrivains pour la jeunesse », mais, comme nous l’avons évoqué, Walt Disney (CR 35) coudoie sans discrimination les plus attendus (encore que…) Le Clézio, Sylvie Germain, Töpffer, Hector Malot, Henri Bosco, la Comtesse de Ségur ou Jacques Prévert ; l’aspect « monographique » est également minoré par l’angle qui chaque fois est adopté pour traiter de l’oeuvre de tel ou telle ; il est certain qu’intituler une réflexion sur Sylvie Germain « éclats d’enfance » en appelle déjà aux connotations polysémiques que peut revêtir le terme même d’éclats : brisé en mille morceaux, ou joyeux comme un « éclat » de rire ? Blessant comme un bout de verre ou radieux comme une joie d’enfant.
Il en va de même pour un autre biais thématique : les personnages ; Polichinelle, Renart « de male escole », ou bien encore les « figures paternelles » ou les « anges et les super-héros » seront sertis d’un maillage critique dense, recoupant et regroupant diverses esthétiques ou grilles interprétatives, qui parcourent sans l’épuiser la matière du jour. Un exemple : pour nous re-familiariser avec les fictions étoilées autour du renard, Danièle Dubois-Marcoin le présente comme la projection fantasmée du petit d’homme, dont il partage élans et fragilité : « Et si, tel le renard, l’enfant se tait dans le chaud terrier de sa rêverie, c’est pour se maintenir aux aguets à la lisière du monde » (CR 16, p. 132).
Les genres et les modalités de monstration (poésie, roman scolaire, théâtre, films, radio…) sont ainsi toujours recontextualisés et exemplifiés, pour d’une part rendre manifeste la richesse des recherches sur le sujet, et d’autre part s’inscrire dans un plus vaste mouvement encore : un décloisonnement général des légitimités critiques, et la fin programmée des « catégories zombies », pour reprendre le vocabulaire des sociologues de l’art ; ce que les Cahiers revendiquent, c’est aussi une constante innutrition avec le fait scolaire, non pas dans la dimension spécifique des apprentissages, mais dans le déploiement de tous les possibles, littéraires, philosophiques, cinématographiques, dramaturgiques : « Si l’on veut humer l’air du temps, mieux vaut commencer par ne pas se boucher le nez », assène Christian Chelebourg dans Civiliser la jeunesse (CR 38, p. 100).
L’histoire et la géographie sont également parcourus en tout sens par nos Cahiers ; l’espace surtout vectorise déambulations, espoirs, pièges et lignes de fuite : c’est bien le moins quand on s’appelle Robinson ! Aussi les titres « psycho-dynamiques » abondent : nous en avons vu deux premiers, tous deux intitulés « Voyages d’enfant » (CR 1 et 3); ils vont être rejoints par les affres du Grand jeu et pays perdu (CR 25), par Les cartes et les plans (…) espaces à rêver (CR 28), et par finalement les Autres mondes (CR 17), où Anne Besson invite chacun « à la croisée des mondes fictionnels », sachant que « Ces réorientations s’effectuent d’ailleurs toujours dans le sens d’un assombrissement et d’une complexification des enjeux le plus souvent présentés au jeune public » (p. 128).
Outre les thèmes et les héros, les Cahiers consacrent aussi une bonne part de charité herméneutique aux cadres et aux supports de la littérature d’enfance et de jeunesse, scrutant les métadiscours, les paratextes et les conditions générales de production des œuvres et de leur implication dans l’univers éducatif, et plus généralement « politique », au sens grec du terme.
III/ Critiquer, innover, renouveler…
«Une littérature qui édicterait purement et simplement des préceptes moraux échouerait dans sa mission éducative parce qu’elle serait ennuyeuse » (M.-H. Inglin-Routisseau, CR 38, p. 32).
L’appartenance de certains chercheurs-contributeurs à des associations proches comme l’AARP[5], l’AFRELOCE[6] ou le CERLI[7] permet de croiser les problématiques et d’enrichir les références ; la montée en puissance de la fantasy, par exemple, ou de la sérialité fantastique pour adolescents irrigue les Cahiers d’une postulation nouvelle, en mettant en lumière des stéréotypies encore peu étudiées, des xéno-zoologies ou des figures du girl power (comme Buffy, la chasseuse de Vampires), qui s’apparentent aux cultural studies anglo-saxonnes, tout en maintenant bien sûr la ligne directrice du propos ; c’est la position méthodologique de Mathieu Letourneux, pour qui « aujourd’hui que les modèles légitimistes de description de la littérature et des arts s’effondrent partout (…), il est temps de repenser aussi la littérature pour la jeunesse (…) », CR 39, p. 33.
Anne Besson souligne de même, à de nombreuses reprises, l’extraordinaire ampleur et l’essor sans précédent d’une culture ludique, cross-age et interactive, en mettant l’accent sur trois phénomènes majeurs de ce nouveau siècle : succès planétaire de Harry Potter, transcription filmique grandiose des univers de Tolkien, et enfin « les jeux de rôle massivement multijoueurs, ou MMORPG, et leurs millions de participants » (CR 28, p. 114). Ce changement d’échelle demande aussi une amplification critique, une attention prêtée à des événements culturels jadis tenus en piètre estime (feuilleton télévisé, BD, bit lit et chick lit…) ; ce récent nomadisme des sujets et des zones d’investissement sera particulièrement sensible dans le Cahier 38, « Critiquer la littérature de jeunesse », qui à la fois indique les directions déjà prises et annonce aussi les grandes mutations à venir ; l’article de Laurent Déom, « Critiquer sur le web », fixe des enjeux et trace des perspectives : « On pourrait formuler l’hypothèse d’une sociabilité réticulaire (…). Ce fonctionnement en réseau se rapprocherait du « rhizome » de Gilles Deleuze et Félix Guattari » (p. 186) ; il ne sanctifie d’ailleurs nullement ces nouvelles opportunités, dont les défauts et les possibles errements sont immédiatement évoqués : « (…) dégagés de toute nécessité de caution », ou « cette critique a posteriori, à dominante subjective, préfère éviter les interrogations déstabilisantes ».
Parallèlement à ces recensements critiques, les Cahiers explorent également les collections des littératures de jeunesse : la « Bibliothèque Rouge et Or » (Cahier 21), la « Page blanche » de Gallimard (Cahier 31) ; mais c’est sur le Cahier 36 – consacré au « Livre de Poche, une bibliothèque pour la jeunesse », que l’on aimerait s’attarder quelques instants, car s’y dessinent, avec pudeur et gaieté, et émotion et mélancolie, les silhouettes des principales contributrices, pour lesquelles ces livres de poche ont écrit l’enfance – leur enfance – et parfois décidé de leur future vocation, amour de la littérature et choix critique et professionnel.
Citer chacun(e) est impossible, choisir est déchirant ; alors évoquons seulement Christine Prévost, qui rappelle le goût de son père pour Zevaco ou Dumas, en rappelant simplement que c’était: « (…) pour essayer de comprendre ce que sa fille pouvait bien y trouver » ; elle ajoute malicieusement que chez Zevaco « un arrière-plan plus clairement anticlérical et républicain (…) a trouvé grâce aux yeux de mes parents communistes[8] » (p. 99). Autre silhouette, celle de Chantal Lapeyre-Desmaison, jeune fille appuyée tout debout dans une petite librairie de village « – et c’est ainsi que je vins à bout d’Hamlet, dans une collection de poche, morceau par morceau, fragment par fragment, un jour après l’autre » (p. 6). En lisant en écrivant…
À ce titre, une remarque ; en cette période de grande attention prêtée aux questions de genre, il va de soi qu’un constat s’impose : il y a plus de directrices… féminines – donc – que de directeurs scientifiques pour les successifs numéros ; pourtant, à y regarder de près, les binômes hommes/femmes, ou les directions masculines, ne sont pas du tout mineurs et, sans être tout à fait à l’équilibre, ne montrent nullement la « mono-sexuation » que les métiers de la petite enfance (et les écoles primaires) ont tendance, pour des raisons socio-économiques complexes, à refléter. Mixité et métissage triomphent dans les Cahiers !
Vers des conclusions…
« Lumineux, l’ange a aussi à voir avec le royaume des morts. Il endosse alors le rôle de psychopompe, tel Hermès dans la mythologie grecque » (J.M. Vercruysse, CR 26, p. 19).
En vingt années tout juste, on aura ainsi croisé Dhôtel et Stephen King, Ian Mc Ewan et Philip Pullman, Collodi et le roman scolaire, Mickey et Zappy Max, et Hector Malot deux fois; on aura fait le point sur la critique elle-même (CR 24) ou encore rappelé ce que le Livre de Poche, la collection Page blanche ou la radio ont apporté aux littératures de jeunesse ; le fait que le Laboratoire Textes et Cultures abrite l’axe « Littératures et cultures de l’enfance[9]», que le Centre Robinson accueille le fonds du CRILJ[10] et que de nombreux enseignants-chercheurs de l’IUFM (devenu ESPE) appartiennent à ces instances renforce aussi la légitimité des Cahiers ; au fil des arrivées, l’accent s’est plus ou moins posé sur l’animalité, ou sur la « collection », sur la sérialité ou la dystopie, sur le théâtre, le cinéma ou le conte, ou même sur le jardin – hortus conclusus où grandit et embellit Cosette (CR 5). Des œuvres, des écrivains, des métadiscours, des thèmes, et le fourmillement des épiphénomènes attachés à la jeunesse (« Bandes d’enfants », « Enfants des tréteaux », « Filmer la classe »…), ont été constamment ré-armés par l’exercice.
Une chanson autrefois populaire – en tout cas pour l’auteur de ces lignes – disait : « Il est perdu le temps déjà/Où nous jouions toi et moi/Aux indiens dans la forêt…/Nous avions construit dans les bois/Une cabane de bois/Où nous allions nous cacher/Tu allumais du feu pour nous/Tu t’appelais Caribou/Tu étais le roi des sioux[11] »… C’est le même charme qui se dégage, pour les lecteurs devenus adultes, de certaines évocations, de certains rappels d’un monde plus rural et plus magique, un monde où des « pays qui n’existaient pas » pouvaient encore surgir et s’effacer ; c’est tout cela que les cultures de jeunesse ramènent à la surface, et qu’offrent les Cahiers, diserts et sophistiqués, mais aussi fantastique machine à remonter le temps, tout en accompagnant l’azimuth des littératures du temps présent, et de celui qui vient : pour Francis Marcoin, la dynamique des Cahiers « illustre aussi le croisement des publics jeunes et adultes que la critique anglo-saxonne range sous le terme de crossover. Robinson devient transculturel, transgénérique et transmédiatique » (présentation du numéro 41). Il faut souhaiter aux Cahiers de robinsonner longtemps encore, de grappiller, de dénicher, d’écussonner… les merveilles et les trouvailles de la littérature pour la jeunesse – celle qui fait dire à Eléonore Hamaide-Jager que : « Grandir serait alors synonyme d’acceptation de la solitude, consubstantielle à la condition humaine » (CR 30, p. 189).
Isabelle-Rachel Casta, Professeur émérite, Université d’Artois
[1] Car tel est le titre du CR no 15 (2004), avec pour sous-titre « écritures précoces » (on codera désormais « CR » pour désigner chaque numéro de la revue, suivie de son chiffre).
[2] La revue SPIRALE est publiée avec le concours de l’ÉSPÉ Lille–Nord de France et de l’université Charles de Gaulle – Lille 3 et de son département des Sciences de l’éducation. Elle est reconnue comme une revue des sciences de l’éducation par l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur : Spirale est donc une revue de recherches en éducation et en formation.
[3] « Centre de recherches littéraires : Imaginaire et didactique », lié à l’UFR de Lettres Modernes de l’Université d’Artois.
[4] C’est entre le numéro 4 et le numéro 5 que se fait la passation : à partir d’avril 1999, Francis Marcoin est désigné comme Directeur de Publication, et D. G. Brassart disparaît des « crédits » de dernière page – en même temps que la mention « supplément de Spirale ».
[5] « Association des amis du roman populaire ».
[6] « Association Française de Recherches sur les Livres et Objets Culturels de l’Enfance ».
[7] « Centre d’Etudes et de Recherches sur les Littératures de l’Imaginaire ».
[8] Le clin d’œil au film Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes (Jean-Jacques Zilberman, 1993) est explicite et assumé.
[9] Longtemps éditeur des Cahiers ; ils sont désormais publiés par les Presses Universitaires d’Artois (ou Artois Presses Université) depuis le numéro 37 (2015).
[10] « Centre de recherche et d’information sur la littérature pour la jeunesse ».
[11] Caribou, Chantal Kelly, 1965.