Cette revue, qui va bientôt publier son quinzième numéro, est au départ un pari collectif dont on ne savait pas s’il donnerait lieu à une courte ou à une longue histoire. Mais elle est toujours là. L’idée de créer Tous urbains tient à ce que la plupart d’entre nous étions membres du comité de rédaction de la revue Urbanisme, animée à l’époque par Antoine Loubière et Thierry Paquot, dont la Caisse des dépôts et consignations a décidé de réduire un jour brutalement et drastiquement le budget tout en passant la rédaction au moulinet d’une agence de consultation qui n’avait pas de compétence dans le domaine de l’urbanisme et de l’architecture.
Rien de bien original pour qui connaît l’histoire des revues : voilà une petite revue qui naît d’une plus grosse revue soumise à des pressions peu admissibles par certains. Rien non plus de surprenant que ce collectif ait eu comme souci primordial de produire une revue libre et légère en se regroupant intellectuellement autour d’un état d’esprit auquel correspond le texte de la charte qui se trouve en page 2 depuis le numéro 1.
Tous les mots ont leur sens. Une revue libre d’abord : le point fort de la revue est la publication d’éditoriaux, brefs et vifs si possible, des éditoriaux pas trop longs car ne devant pas dépasser 5000 signes, qui sont à chaque fois évoqués dans les comités de rédaction sans pour autant qu’une ligne soit imposée. C’est dire que règne une ambiance pluraliste qui n’en suscite pas moins des discussions et que la personnalité de la revue est indissociable de ceux qui y écrivant « librement ». A côté de ces éditoriaux qui sont le fer de lance (la réputation de la revue est liée aux auteurs qui y écrivent régulièrement), la revue publie un dossier qui va de pair avec un travail rédactionnel plus intense, et qui fournit l’occasion de s’adresser à des collaborateurs extérieurs. C’est donc un état d’esprit peu dogmatique qui réunit les animateurs de Tous urbains, sachant que le défi est essentiellement d’aborder les questions urbaines à l’échelle mondiale, ce qui veut dire articuler le local et le global (Telle est la conviction partagée : « la mondialisation est avant tout l’urbanisation »). Ce qui signifie également que l’abord de ces questions exige une approche plurielle impliquant simultanément le politique, l’imaginaire, les techniques urbaines et architecturales…mais aussi (et surtout) les habitants.
Une revue légère : quand nous avons décidé de créer Tous urbains, Michel Butel avait lancé une petite revue fort bien mise en scène et séduisante, comme il sait faire, qui s’appelait « L’impossible » et qui se trouvait en kiosque. Ceux qui s’en souviennent remarqueront que Tous urbains ressemble étrangement à celle-ci… à la différence près que nous ne publions pas de photos et que la maquette ne cherche pas le baroque et la création esthétique. Cela fait partie désormais de l’image de Tous urbains, une « revue papier » (qui n’en a pas moins un site et qui est aujourd‘hui distribuée/diffusée par les PUF qui se sont intéressées à cette « feuille de chou » considérée comme originale), aérée et pas trop lourde (ce qui est souvent la tare de la production éditoriale architecturale et urbanistique qui vend souvent des photos et expose des dossiers/vitrines chers aux élus).
C’est peut-être aussi l’ambiguïté de cette revue qui ressemble, du fait de sa légèreté, plus à un tract, à un petit journal qu’à une revue en bonne et due forme ! En tout cas, Tous urbains n’a rien d’une revue académique même si des académiques y contribuent, elle est avant tout une revue où les membres du comité de rédaction ont d’abord un grand plaisir à se retrouver à chaque fois (généralement dans les locaux d’une autre revue, à savoir la revue Esprit, ce qui n’étonnera personne !).
Voilà ce qu’est la revue Tous urbains*, un lieu éphémère qui fait écho à l’esprit de ce qu‘on aime dans les revues, le plaisir de se voir, de se retrouver et de discuter. C’est une agora improvisée, une place publique pour un microcosme. Quoi qu’il en soit de son avenir – grossir, se réduire, disparaitre, se transformer… – Tous urbains rend sensible ce qu’est le désir d’une revue, ce qu’est la liberté de parole dans un milieu – celui des architectes et des urbanistes – trop souvent soumis à la commande publique et quelque peu sous tutelle… même s’il le dénie. Pour le reste, la charte (qu’on peut lire en suivant ce lien) traduit bien le souci commun qui correspond à des engagements de chacun sinon à des implications professionnelles et morales.
Olivier Mongin
* on lira sous la plume de François Bordes un compte rendu du numéro 11 de Tous urbains ici.
Conseil éditorial de Tous urbains
- Frédéric Bonnet
- Jean-Pierre Charbonneau
- Cristina Conrad
- Jacques Donzelot
- Cynthia Ghorra-Gobin
- Michel Lussault
- Olivier Mongin
- Philippe Panerai
- Vincent Renard
- Jean-Michel Roux