En cette rugueuse année 2013, Ent’revues non seulement espérait mais devait trouver des financements complémentaires pour que le Salon de la revue ne se trouve point trop dépourvu.
Soufflée d’abord par le CNL, empruntée par nombre d’associations amies ou voisines, une piste : la SOFIA. Kesaco, la SOFIA ? On la fait court : la Société Française des Intérêts des Auteurs de l’écrit est une société civile de perception et de répartition des droits de prêt en bibliothèque. Dans ses missions également, le financement d’actions culturelles – entre autres, les salons et festivals – mettant en valeur le livre, les auteurs, le soutien à des manifestations favorisant les rencontres, les réflexions, l’information et la formation des acteurs de la chaîne du livre.
Pain béni : ne croirait-on pas lire en résumé ce qu’Entrevues ne cesse de mettre en œuvre et ce que le Salon de la revue orchestre chaque année ?
Vite, le dossier : peaufiné et envoyé le 8 janvier 2013.
Pas d’impatience mais pas trop de patience non plus : les premiers devis arrivent, les premières dépenses s’engagent dans une trésorerie en berne. Mi-mai, je m’inquiète, envoie un mail : silence… C’est fichu ! Après tout une subvention n’est pas un droit mais un privilège et il y en a sans doute de plus méritants…
Mais quelque chose ne passe pas. N’avoir jamais reçu la moindre réponse fut-elle négative. Je ne résiste pas – c’était l‘automne, le Salon était passé, les poches trouées – en envoyant une petite lettre pour m’étonner de la désinvolture du procédé. C’était le 5 novembre. Toute la lumière – par la vitesse et la clarté de la réponse – me fut rendue par un mail du 7 novembre à 17h21 m’exposant les raisons de notre disgrâce.
D’abord, notre dossier n’avait pas été transmis sous forme dématérialisée. Ah bon ! Mais admettons. Petit point sémantique : la dématérialisation est un procédé innovant pour perdre ses derniers cheveux. Étape d’une simplification à tous les étages.
Mais l’argument massue tombe, je le recopie tout entier tel qu’il m’a frappé d’évidence : « Ceci aurait été dommageable si votre dossier entrait dans le champ des manifestations que soutient Sofia mais malheureusement nos critères d’octroi d’aides financières au titre des actions culturelles précisent bien que ne sont susceptibles d’être financées que des manifestations qui ont un lien direct avec le Livre ce qui élimine d’office les revues, magazines, livres d’artistes ou autres et il aurait été impossible dès lors à la Commission permanente de la Sofia de pouvoir accéder à votre demande de financement. » (texte scrupuleusement respecté.)
Quelqu’un vous assène – porte-plume soulagé de s’entendre souffler une « bonne » raison – que les revues n’ont pas de « lien direct » avec le Livre (plutôt avec les magazines). Comment n’y avais-je pas pensé ? Comment une telle évidence ne m’avait-elle pas ébloui : les auteurs de revues ne sont pas des auteurs (peut-être des journalistes) en tout cas pas des auteurs de le Livre. Comment ignorer que Le Mercure de France n’a rien à voir avec la maison d’édition du même nom, pas plus que La NRF puis les Cahiers du Chemin avec Gallimard, La Table Ronde avec La Table ronde, Recueil avec Champ Vallon ou Rehauts avec Rehauts, quant à Inculte, je ne vous l’envoie pas dire… Et parmi les administrateurs de la SOFIA, François Coupry ou Georges-Olivier Châteaureynaud avaient d’office, au mitan des années 80, rompu avec le Livre en se fourvoyant dans la mémorable revue Roman.
C’est notre faute aussi à Ent’revues : en criant si fort que les revues ne sont pas des livres, SOFIA ne pouvait que l’entendre, et en écho nous tirer la langue (approximative) et nous renvoyer nulle part.
Du coup, on en reste muet.