Voyez ces quelques lignes comme un billet d’humeur. De mauvaise humeur, s’entend. Car il s’agit de faire part ici d’un ras-le-bol, celui d’avoir vu augmenter en janvier, comme presque chaque année, le prix de la plupart des quotidiens. Quelques centimes de plus, certes, mais, additionnés d’une année sur l’autre, quelques centimes de trop. Jamais il ne nous aura autant coûté, ce journal. Inflation, hausse de la matière première (le papier), frais fixes grandissant des structures éditoriales, coût pour produire une information de qualité, investissements pour la transformation numérique des rédactions, etc. : toutes les raisons avancées pour justifier ce surcoût annuel sont défendables, évidemment. Loin de moi l’idée de les discuter. Il n’empêche : à la longue, du point de vue du client, ces hausses répétées pèsent lourd et même dissuadent, n’en doutons pas, tous les lecteurs occasionnels qui, par ailleurs, sont toujours plus habitués à la culture de la gratuité (même si cette gratuité l’est en trompe-l’œil – mais c’est un autre débat). Devra-t-on, dans un futur proche, débourser 3 euros – oui, 3 euros ! – pour se procurer son journal ?! Non, je n’exagère pas. À raison de 10 à 20 centimes de hausse par an, on y arrivera très vite. On me dira : abonnez-vous, vous serez gagnant. Et si je ne veux pas ? Et si je veux aller acheter mon journal en personne, tous les matins ou tous les soirs, saluer le kiosquier, prendre des nouvelles de sa famille, parler de l’émission politique de la veille ou des résultats sportifs ? Et si je veux, demain, continuer à faire le déplacement ? Eh bien il m’en coûtera toujours plus cher. Étrange équation que voilà : je fais chaque jour l’effort d’acheter le journal, de ne rien céder à l’esprit de gratuité ambiant, et je paye le prix fort…
Alors je le dis tout net aujourd’hui, je m’interroge : vais-je arrêter de lire la presse quotidienne ? La mesure serait radicale, mais peut-être me faudra-t-il en arriver là. Non que je veuille faire des économies de petites pièces jaunes ; ce serait juste une question de principe, pour dire qu’il y a des limites à ma compréhension, voilà tout. Vient un moment où il faut être raisonnable et se dire que, décidément, les journaux sont trop chers. Mais pourquoi un tel texte ici, dans cet espace consacré aux revues ? Parce que je sais que les lecteurs de revues sont aussi, et dans une très grande majorité, lecteurs de journaux. Ils tiennent à ce rituel dont on peut bien dire qu’il est démocratique – acheter un journal c’est bien plus que le lire, c’est, en un sens, l’élire, c’est faire le choix d’une certaine conception du journalisme, des idées, d’un certain rapport au temps et à l’actualité. Je ne crois pas me tromper en disant que bien des revuistes sont comme moi ; c’est un geste qui compte pour eux. Seulement voilà… Et je ne doute pas qu’ils partagent, sinon mes atermoiements, en tout cas mon agacement. Trop cher journal, viendrai-je à toi demain et les jours suivants ? Rien n’est moins certain, je le crains.
Léo Byne