par Pierre-Olivier Monteil
2021, in La Revue des revues no 66
Créé en 1888, le Mouvement du Christianisme social engage une confrontation critique et utopique entre le christianisme et la question sociale, en particulier à travers sa revue. Paul Ricœur s’y investit dès les années 1930 et exercera la présidence du Mouvement de 1958 à 1970. Sa contribution d’une quarantaine d’articles à la revue déploie une critique sociale, politique et culturelle. Cette composante de l’œuvre du philosophe se distingue par la particularité d’un style qui se réfère à une théologie biblique et s’adresse à un public protestant. Elle est aussi l’expression d’une pensée en travail, qui se cherche. Mais sa portée ne s’appréhende qu’en articulation avec ce que Ricœur écrit ailleurs. Le souci d’articuler conviction et responsabilité le conduit en effet à se confronter à la tradition dans laquelle il se reconnaît afin d’en dégager un sens à reverser ensuite au débat général, dans la visée universaliste de la discussion. La Revue du Christianisme social est ainsi le laboratoire d’où procèdent, entre autres, le « paradoxe politique » ou la « petite éthique » de Soi-même comme un autre.
Ricœur and the Revue du Christianisme Social
Created in 1888, the Mouvement du Christianisme social engaged in a critical and utopian confrontation between Christianity and the social question. This is particularly visible in its periodical review. Paul Ricœur got involved in it in the 1930s and held the presidency of the Movement from 1958 to 1970. His contribution of some forty articles to the review deployed a social, political, and cultural criticism. This component of the philosopher’s work is remarkable for the peculiarity of a style which refers to a biblical theology and was addressed to a Protestant audience. It is also the expression of a thought at work, in search of its course. But its significance can only be apprehended in articulation with what Ricœur wrote elsewhere. The concern to articulate conviction and responsibility led him in fact to confront the tradition in which he recognized himself, so that he could find in it a meaning he might then submit to the general debate, to promote a universalist discussion. The Revue du Christianisme Social was thus the laboratory from which proceeded, among other things, the “political paradox” or the “little ethics” of oneself as another.