Avec la disparition d’Antonin Liehm, le 4 décembre dernier, c’est un porteur d’utopie qui s’en est allé. Écrivain, éditeur, traducteur, universitaire, historien du cinéma, esprit encyclopédique, Antonin Liehm né en 1924 en Tchécoslovaquie s’exila à Paris en 1969. En 1984, avec la complicité du journaliste Paul Noirot, il fonda la revue Lettre internationale, formidable creuset d’échanges européens, favorisant une meilleure connaissance entre écrivains et penseurs de cultures différentes. Instrument de combat contre le provincialisme culturel, fenêtre largement ouverte sur la circulation des idées et de la littérature, elle se présentait sous un grand format d’un graphisme audacieux qui l’apparentait au magazine avec, pour l’essentiel, une distribution en kiosque et se reconnaissait volontiers élitiste. Dans le n° 2 de La Revue des revues (1986), interrogé par Anne Laurent, Antonin Liehm revenait, au long d’un fil biographique qui part de Prague en passant par l’Amérique pour s’enraciner à Paris, sur la longue et difficile gestation de ce rêve imprimé qu’elle ne découragea pas : « On peut dire que la Lettre internationale et ses ambitions sont un pari, une utopie. Je peux perdre. Mais il est hors de question de ne pas essayer. Quant à l’utopie, au moins celle-ci n’est pas dangereuse. Nous avons donc tout à gagner à y croire. »
Ce pari ricocha donnant naissance à des versions de la revue dans de nombreux pays : Allemagne, Hongrie, Roumanie, Espagne, Italie… Quelques-unes durent encore. En France, la revue cessa sa parution en 1993.
Mais le vieux rêve bouge encore nimbé d’une nostalgie d’une revue transnationale. Nombreux aujourd’hui sont encore les revuistes « à y croire ». Guettons…
Les archives de la revue sont conservées à l’IMEC
Roman Schmidt lui a consacré une thèse : Des publicistes sans frontières? Lettre internationale, genèse d’un espace européen de communication/ Publizisten ohne Grenzen ? : « Lettre internationale », Genese eines europäischen Kommunikationsraums